mercredi 9 octobre 2013

Le curé de la paroisse se marie

Billet publié sur Oh mes aïeux le 15 septembre 2013

  En dépouillant les mariages de l'année 1793 sur les registres d'état-civil d'Ecoust-Saint-Mein, un acte m'interpelle plus que les autres: 
    Le 13 octobre 1793, Antoine François TABARY, officier municipal élu le 27 janvier de cette même année, rédige l'acte de mariage d'Adrien Joseph Fleury POTIER et Angélique Scolastique Josephe GOSSE. Pour le moment, rien de bien étrange. Regardons de plus près les futurs époux.

   Adrien POTIER est le fils des feus Fleury Joseph et Marie Angélique Josephe DELATRE. Pour l'anecdote, quasiment tous les écoustois(es) ont comme deuxième ou troisième prénom Joseph(e) et/ou Guislain(e). Revenons à nos moutons. Quel est la profession d'Adrien? CURÉ de la paroisse!! J'avais la notion que les curés pouvaient se marier mais pas à cette époque. Une petite recherche via mon ami google va répondre à mes questions.
    Je m'aperçois que je ne suis pas la seule à avoir vu un tel acte de mariage en cette période révolutionnaire et à me poser des questions. Adrien Potier serait un curé constitutionnel.
    D'après Wikipédia:
   L'Eglise constitutionnelle est l'Eglise formée par le clergé constitutionnel pendant la Révolution française, à la suite du vote de la constitution civile du clergé. Cette loi donnait un nouveau statut au clergé français.
Le clergé constitutionnel a existé de 1790 jusqu'au Concordat de 1801 signé entre Napoléon Bonaparte et le Pape Pie VII.
Il est composé de prêtres et des évêques constitutionnels. Les prêtres ayant prêté serment (à la constitution Civile du clergé) étaient appelés "prêtres jureurs" ou "prêtres assermentés", par opposition aux "insermentés" et "réfractaires".

     Environ 50% des prêtres ont prêté serment et sont appelés "les intrus" dans les régions où ils ne sont pas appréciés. Toujours d'après Wikipédia le Pas de Calais a une proportion de prêtres jureurs compris entre environ 67 et 84%. 
    Je n'ai donc pas eu la berlue en voyant qu'Adrien Potier, curé de la paroisse se mariait à Ecoust, les prêtres jureurs en ayant le droit.

    En poussant ma recherche sur Gallica, j'ai retrouvé notre curé dans la monographie de Joseph Le Bon: La Terreur dans le Pas de Calais et le Nord. Histoire de Joseph Le Bon et des tribunaux révolutionnaires d'Arras et de Cambrai, par A.-J. Paris, 1864

La Terreur dans le Pas de Calais et le Nord - page 209

    Adrien POTIER a donc eu un lien avec le Tribunal révolutionnaire! Wikipédia mon ami, veux-tu stp expliquer en termes clairs ce qu'est donc ce fameux tribunal:
"Le tribunal révolutionnaire est une juridiction criminelle extraordinaire créée par la Convention une première fois le 17 août et supprimée le 29 novembre 1792 (connues sous le nom de Tribunal du 17 août), puis rétablie sur proposition des députés Georges Danton, Robert Lindet et René Levasseur, par la loi du 10 mars 1793 sous la dénomination de Tribunal criminel extraordinaire."
"Sa compétence était vaste, pratiquement illimitée:
Il connaîtra de toute entreprise contre-révolutionnaire, de tout attentat contre la  liberté, l'égalité, l'unité, l'indivisibilité de la République, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, et de tous les complots tendant à rétablir la royauté ou à établir tout autre autorité attentatoire à la liberté, à l'égalité et à la souveraineté du peuple, soit que les accusés soient fonctionnaires civils ou militaires ou simples citoyens (art 1)".

    Le tribunal est composé d'un jury, de cinq juges, d'un accusateur public avec deux  adjoints ou substituts. L'accusateur public était responsable de la surveillance des officiers de police du département.

    
    La seule trace écrite d'Adrien Potier que j'ai en ma possession est sa signature à son mariage.

AD62-Ecoust-Saint-Mein-5Mi285/2-Vue 4/1366

    Cette monographie m'apprend aussi l'existence d'un prêtre réfractaire à Ecoust, le curé CAILLERETZ, infirme, qui décèdera dans la maison de réclusion d'Arras pendant cette période révolutionnaire à l'âge de 57 ans.
La Terreur dans le Pas de Calais et le Nord - page 656

    Il ne me reste plus qu'à partir à la recherche de ce curé persécuté pendant la terreur. Je n'ai pas encore trouvé son acte de décès à Arras. Mais j'ai sa signature dans les registres d'Ecoust quand il
officiait encore:



  Edit: Je viens de retrouver son acte de décès à Arras à la date du 7 Frimaire an 3 (27 novembre 1794). Il n'est pas noté sa profession mais comme c'est un prêtre réfractaire, peut-être en est-ce la raison? Il est bien décédé à la maison de réclusion d'Arras à l'âge de 57 ans.


AD62-Arras-MIR041/49-vue 1146/1436
    Passons maintenant à sa future épouse, Angélique Scolastique Josephe GOSSE. Elle a vingt-deux ans et habite Ecoust-Saint-Mein. Elle est la fille de Charles Alexandre Joseph GOSSE et Angélique Charlotte Philippine LE COMTE domiciliés à Arras. Ce qui m'a intrigué est la profession de son père, il est piqueur des ponts et chaussées du district d'Arras. Voici ce que dit le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales:


    Angélique sait écrire et voici sa signature à son mariage:

AD62-Ecoust-Saint-Mein-5Mi285/2-Vue 4/1366


    C'est impressionnant tout ce que l'on peut apprendre avec un seul acte de mariage!! Moi qui n'était pas une férue d'histoire à l'école, je l'apprends maintenant grâce à la généalogie. La connaissance de la petite histoire de nos ancêtres me fait d'autant plus appréciée la grande Histoire.
   Je vous invite à faire des recherches par communes ou par noms dans la monographie de Joseph Le Bon, vous y trouverez peut-être des ancêtres et/ou aurez des renseignements sur la commune de vos ancêtres pendant la Terreur.


      Pour plus d'informations sur ce sujet, je vous recommande la lecture de cet article:
 Les mariages des ecclésiastiques députés à la Convention. In: Annales historiques de la Révolution française. N°262, 1985. pp. 480-499 de Graham Ruth.

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